Une goutte de feu

Dans ces gouttes de feu, dans ces flammes mouillées, dans cette eau brûlée, comment ne pas voir les doubles germes d’une imagination qui a su condenser les deux matières

Naturellement, une image aussi spéciale que l’eau de vie qui brûle dans une veillée joyeuse qui pourrait entrainer l’imagination dans un tel essor d’images si n’intervenait pas une rêverie plus profonde, plus ancienne, une rêverie qui touche le fond même de l’imagination matérielle. Cette rêverie est très précisément le mariage des contraires.

| Gaston BACHELARD « L’eau et les rêves »

Laisser couler l’eau qui coule
La couleur qui fait tache
Qui œuvre avec le fond
Mon corps y participe
Assiste
Et réagit
Dans l’attente
A l’écoute
De l’alchimie des couleurs
Et des graphismes
Danse, dense la couleur
Flaque de la couleur
Flaque au cœur

| « En même temps que je peins »
Caty Banneville - Hiver 2013

Laisser déposer
Sur le tamis
La trace du mouvement
De l’eau
et de ses embarquements.
L’ombre de la feuille
L’arbre tout entier
Qui frémit
Et se trouble
La brindille et son fil
Vestige de la dernière prise
Du pêcheur
L’eau qui dort n’a plus sommeil
Elle se réveille
Parée des couleurs
Des cieux tendres
Ou tempétueux
Dans une quotidienne métamorphose.
Trouver l’image qui se cache
Derrière celle qui se montre
Dans le reflet d’une pensée
Juste modifiée
Par le souffle du vent
Ou par la brindille qui s’agite
Dans le courant

Juste chute l’eau qui court
Chut
Chutes des tissus
Recollés
Reliés
Réajustés
Haut la couleur
Du miroir dans le ciel
Et entre les gouttes
Entendre la couleur
Chut
C’est gris le blanc et le noir
Mouillé
La coulure coule grise
Plus blanche que noire
Plus noire que blanche
Il pleut dans mon atelier
De la pluie grise
De la lumière grise
Aujourd’hui
Peut-être un peu de bleu
Tend à poindre
Un certain bleu

Aidons l’hydre à vider son brouillard
En divagant
De l’eau à la brume
Pas de délayage
Vider la colère

| « En même temps que je peins »
Caty Banneville - Hiver 2013

Estampage d’écritures
Inonder de blanc le noir
Les formes
Les feuilles
Les ondes
Les ombres de l’eau
Laisser le blanc pénétrer le noir
Prendre le chiffon doux
Dans la main pleine
Et venir estamper
Essuyer
Laisser réapparaître en surface
Les ombres de l’eau
Participer ainsi
Au mouvement
A la mémoire
A ma mémoire
De l’eau
Au fil des jours
Des courants
De ma vie intime
Revisiter le ventre de la mémoire

Tarlatane
Tissu de l’estampe
Transparence
Fragile
Mobile
Neuf carrés dans un
Neuf mois
Neuf comme neuve dans l’eau

En même temps que la neige, je me suis sentie fondre, perdre de vue la rive, me dissoudre dans la terre sans pouvoir me redresser.
Etre allée jusqu’au bout de l’hiver dans la dissolution bleue, couleur d’encre.

| « En même temps que je peins »
Hiver 2013 – Caty Banneville

L’être voué à l’eau est un être en vertige.
Il meurt à chaque minute, sans cesse quelque chose de la substance s’écroule.
La mort quotidienne n’est pas la mort exubérante du feu qui perce le ciel de ses flèches.
La mort quotidienne est la mort de l’eau.
L’eau coule toujours, l’eau tombe toujours, elle finit toujours en sa mort horizontale.
La peine de l’eau est infinie.

« Le miel de la nuit se consume lentement »
Pour une âme en paix avec elle-même, il semble que l’eau et la nuit prennent ensemble, un parfum commun ; il semble que l’ombre humide ait un parfum d’une double fraîcheur.
On ne sent bien les parfums de l’eau que la nuit. Le soleil a trop d’odeur pour que l’eau ensoleillée nous donne la sienne.

| Gaston BACHELARD « L’eau et les rêves »
| Essai sur l’imagination de la matière - Ed José CORTI -1942