Je leur tendrai des coquelicots | 2020

La nature et l’eau ont toujours été pour Caty Banneville une source d’inspiration.

Son travail plastique prend cependant un nouvel axe à travers cette exposition temporaire. Si jusque-là le travail de Caty Banneville n’était pas militant, cette dernière s’interroge sur le problème climatique. Elle soulève là, en tant qu’artiste et grand-mère, une question aujourd’hui partagée par un grand nombre : qu’allons nous transmettre aux générations futures ?

La notion de transmission et de filiation est fondamentale dans son œuvre.

Quand elle sort de l’école des Beaux-arts de Caen en 1972, Caty Banneville démarre sa carrière artistique par la tapisserie et la sculpture textile. Héritage familial, la fibre textile coule dans son ADN : d’un grand-père matelassier, d’une grand-mère couturière et d’une mère mercière déroule ainsi un fil d’Ariane invisible dont s’empare Caty. Elle continue de le dérouler même lorsque après un séjour aux Marquises, elle se consacre désormais à la peinture.

Sur de fines toiles de tarlatane, elle pose des couleurs issues de pigments naturels et convoque les quatre éléments : l’eau, l’air, la terre et le feu. Par des jeux de superpositions des toiles, de transparences et de profondeurs, en collaboration avec la lumière ou plutôt les variations lumineuses de chaque moment de la journée, Caty nous invite à rentrer dans son univers : un univers poétique empreint d’une relation quasi-fusionnelle avec la nature. Les œuvres vibrent au rythme de la journée, saisissent le spectateur, l’émeuvent.

À travers son travail sur les coquelicots et les abeilles, Caty Banneville nous interpelle. Comme de nombreux artistes contemporains, elle délivre ici un message de protection et de conservation de la nature. Son œuvre devient un transmetteur, le message devient militant, désireux de produire un effet, une réaction sur nos consciences.

L’œuvre de Caty nous interroge sur le rôle de l’artiste. Éternel débat, l’artiste doit-il témoigner, s’engager ? Ou doit-il rester dans une démarche purement artistique ?

 

| Catherine Wachs Genest (conservatrice du musée d’art et d’histoire de agglomération du Grand Cognac) texte écrit pour l’exposition « je leur tendrai des coquelicots »

À Greta Thunberg, aux petits enfants de la terre

Si être engagée pour le respect de la terre c’est vivre avec la nature sur une presqu’île entourée d’eau, je suis engagée.
Si être engagée c’est jardiner autant que peindre chaque jour, je le suis.
Si être engagée c’est manger ses légumes, et apprendre aux enfants le goût des choses, je le suis.
Si être engagée c’est transformer les pigments naturels en peinture, je le suis.
Si être engagée c’est collectionner les empreintes de végétaux et s’en servir pour peindre, alors je le suis.
Si être engagée c’est avoir nourri un lieu de la beauté des fleurs et de l’eau, je le suis.
Si être engagée c’est avoir donné aux petits l’amour d’une terre qu’ils ne veulent plus quitter, oui je le suis.
Si être engagée c’est trouver chaque jour l’inspir dans le paysage qui se donne pour mieux vivre le monde, alors je le suis.

Mais aujourd’hui je leur tendrai des coquelicots
Aux petits, aux enfants
Pour leur dire la fragilité du monde
La fragilité du rouge entre la fleur et le sang
Je leur tendrai mes coquelicots
Comme un cœur battant
Au rythme du vent léger
Qui fait danser le rouge vivant
Parce que je veux encore
Espérer pour eux.

 

| Caty le 4 mars 2020, Le Ham

Fleurir est aboutir

Qui rencontre une fleur
Et l’observe en passant
Soupçonne à peine
Les circonstances mineures,
Qui permettent l’achèvement de cette œuvre brillante
Si compliquée offerte comme un papillon
Au méridien.
Remplir le bourgeon, combattre le ver
Obtenir son droit de rosée,
Ajuster la chaleur, éluder le vent,
Éviter l’abeille qui rôde,
Ne pas décevoir la grande nature,
Qui l’attend ce jour précis :
Être une fleur, c’est une profonde responsabilité !

 

| « Fleurir est aboutir » traduction du poème d’Emily Dickinson

Pendant un séjour de trois ans aux îles Marquises, en Polynésie, j’ai décodé les signes abstraits qui sont utilisés là-bas comme symboles pour les tatouages et la sculpture. Comme dans l’écriture chinoise, cette forme d’expression est une sorte de pensée globale, née de la relation de l’homme avec la nature. A mon retour en France, j’ai voulu creuser cette recherche et trouver un langage qui ne soit pas dans la représentation de la nature mais dans la résurgence des émotions qu’elle produit en moi. Ce qu’elle laisse comme empreinte.

Ce que je cherche, c’est revivre ces émotions dans l’espace de la toile. La couleur, origine du désir, m’engage vers la toile dans une impulsion inconsciente et spirituelle. Comme les saisons, elle rythme des périodes de ma vie intime avec la peinture.

Chaque couleur est porteuse d’un principe de vie. Pour le rouge et le pourpre, il faut l’énergie physique des débuts de printemps. Pour le bleu des brumes, revenir au calme de l’hiver, à l’effacement. La lumière construit la toile et éclaire les interstices qui me permettent de retrouver les territoires de l’enfance. Je ne me jette pas dans la peinture, je la laisse venir, me troubler, me prendre. Elle n’est plus comme autrefois la délivrance d’une douleur vive mais un rituel nécessaire, une façon d’atteindre des forces qui me dépassent, telluriques et mystérieuses. La technique est avalée, assimilée ; juste besoin d’outils qui correspondent à ma sensualité : des pinceaux chinois, des balais, des marmites où décantent des mixtures d’encres et de pigments.

Et puis, surtout, la toile, le tissu, matériau sensible de mon histoire de femme : ma mère était mercière, ma grand-mère couturière et mon grandpère matelassier. J’ai expérimenté les dilutions, les décantations, les superpositions des eaux colorées avec le sentiment de retrouver les gestes des lavandières, des teinturières, des blanchisseuses. Ce que je voulais, c’est que le résultat se situe entre l’estampe et la peinture. Les recettes que j’ai inventées avec les pigments, les encres, les impressions de signes récoltés dans mon jardin transforment souvent mon atelier en athanor.

En définitive, je suis une femme peintre qui récolte la substance des jours.

 

| Texte de Sophie Lucet à partir des paroles de Caty Banneville

  Coquelicote | Encres sur tissu tarlatane | 50 x 50 cm Coquelicote | Encres sur tissu tarlatane | 50 x 50 cm Coquelicote | Encres sur tissu tarlatane | 50 x 50 cm Coquelicote | Encres sur tissu tarlatane | 50 x 50 cm Ligne rouge : Fragilité, Archivage et Glyphosatée
Tirages photographiques sur papier moulin
Ligne rouge : Fragilité, Archivage et Glyphosatée
Tirages photographiques sur papier moulin
Ligne rouge : Fragilité, Archivage et Glyphosatée
Tirages photographiques sur papier moulin
Ligne rouge : Fragilité, Archivage et Glyphosatée
Tirages photographiques sur papier moulin
Ligne rouge : Fragilité, Archivage et Glyphosatée
Tirages photographiques sur papier moulin
Coquelicote | Encres sur tissu tarlatane | 50 x 50 cm Coquelicote | Impressions sur papier et carton Coquelicote | Encres sur tissu tarlatane | 50 x 50 cm Fragilité du monde | Encres sur tissu tarlatane | Installation Fragilité du monde | Encres sur tissu tarlatane | Installation Fragilité du monde | Encres sur tissu tarlatane | Installation Fragilité du monde | Encres sur tissu tarlatane | Installation Fragilité du monde | Encres sur tissu tarlatane | Installation